Bouquet Encore : une tubéreuse incandescente et enivrante.
Narcotique et voluptueuse à souhait, la tubéreuse est un peu la femme fatale de la parfumerie. Tour à tour solaire et envoûtante, cette fleur blanche prête ses charmes à Bouquet Encore, signé Pierre Guéros (Symrise) pour L’Orchestre Parfum.
Celle que l’on baptisait jadis « Jacinthe des Indes » est en réalité originaire du Mexique. Elle fût implantée en Europe au XVIème siècle. On la cultive pour la parfumerie à Grasse dès le XVIIème siècle. La production de la tubéreuse se fait aujourd’hui essentiellement en Inde.
Cette fleur blanche jouit d’une réputation un brin sulfureuse. A la Renaissance, en Italie, on avait coutume d’interdire aux jeunes filles de se promener le soir dans les jardins où pousse la fleur, en raison de son pouvoir « érotique ». Celui de son parfum qui se fait plus intense à la nuit tombée. Son nom, en hindi, signifie d’ailleurs parfum de nuit. Son aura obsédante, narcotique, lui vient de cette senteur lumineuse, sensuelle, propre aux fleurs blanches, véritables absolus de féminité. Mais aussi de sa puissance, puisque c’est une fleur très odorante, qui exhale son parfum jusqu'à 48 heures après avoir été coupée.
La récolte de la tubéreuse s’étale du mois d’août à novembre. Elle connaît en effet deux floraisons, une première fin août-début septembre, puis une seconde en novembre. C’est une fleur au parfum complexe. De jour, elle se révèle suave, solaire et veloutée, facette que l’enfleurage met en lumière. Une technique ancienne avec laquelle renoue -à petite échelle- l’industrie, qui consiste à extraire l’odeur de la fleur à l’aide de cires végétales (et non plus animales). Le soir, son parfum se fait plus opulent, exhalant des nuances médicinales, terreuses, dont le rendu en absolu est assez fidèle.
Son parfum capiteux et entêtant lui vaut de ne laisser personne indifférent: c’est souvent une fleur qu’on adore ou que l’on déteste. L’extraction aux solvants de ses pétales blancs offre une absolue pourvue d’accents lactoniques, dotée de nuances solaires, orangées, fruitées, mais aussi vertes et camphrées, sans oublier une touche d’animalité (qu’elle doit à l’indol, une des molécules de sa composition organique).
On la retrouve souvent au cœur des bouquets de fleurs blanches, apportant une forte personnalité aux parfums. Les parfumeurs aiment jouer de son visage solaire, de ses tonalités « coco », crémeuses, grâce à des notes de synthèse (salycilates de benzyle, lactones, aldéhyde C18). On peut aussi exalter ses facettes camphrées à l’aide de notes méthylées.
La production d’absolu de tubéreuse d’Inde coûte environ 11000 euros le kilo. L’absolu de tubéreuse de Grasse, où on la cultive encore dans une moindre mesure, se révèle moins fruité et indolé. Son prix peut alors s’élever jusqu'à 250 000 euros le kilo. Il faut environ 3 tonnes de fleurs pour produire un kilo d’absolu et 30 à 50 kilos de fleurs pour un kilo d’enfleurage.
Pierre Guéros a joué de la facette solaire de la fleur pour traduire un souvenir olfactif de Pierre Guguen. Celui de l’ambiance sensuelle d’une nuit à Barcelone, chargée d’effluves de corps encore enduits de monoï et de cocktails au rhum. Pour Bouquet Encore, il esquisse une mélodie suave où les fleurs blanches rencontrent la rondeur de la vanille, ourlée d’une pointe liquoreuse. Une étreinte florale (tubéreuse, ylang-ylang, jasmin sambac, fleur d’oranger), exaltée par le poivre de Timut, dont la volupté s’alanguit sur un lit de muscs. Un parfum sexy et enivrant.
Article écrit par Sophie Normand.